Comment le conte peut-il agir sur notre psychisme ? Le
matériel symbolique du conte, langage de
l’inconscient, permet de découvrit les richesses
inépuisables de notre esprit. Ainsi, tel une grotte aux
mille trésors, l’inconscient se
révèle à nous. Selon
l’approche jungienne, ce chemin de l’individuation
conduit à explorer et actualiser des
potentialités encore ignorées,
refoulées, telle la vieille fileuse oubliée dans
la tour de La Belle au Bois Dormant… Les personnes qui ont
parcouru cette voie du conte thérapeutique ont
témoigné de ces transformations.
Avec le conte russe Vassilissia la Belle, nous traversons tout un
chemin initiatique au cœur de la forêt
(l’inconscient) en faisant confiance à notre
intuition, symbolisée par une poupée que
l’héroïne tient dans sa poche et qui la
guide dans les bois jusqu’à la sorcière
Baba Yaga qui sera son initiatrice et lui permettra
d’intégrer sa féminité. Or,
en vivant profondément ce conte et en créant
cette poupée, nous lui donnons « corps
». C’est la force du symbole qui sans doute agit au
niveau énergétique… et
opère d’étonnantes transformations.
Et si la femme doit accepter et révéler sa
féminité, une autre tâche
l’attend : intégrer sa partie masculine ou Animus.
Bon nombre de contes, de différentes manières
vont nous accompagner dans ce processus. Ainsi La jeune fille sans
mains traversera maintes épreuves pour
s’approprier son Animus, représenté par
ses mains, coupées puis remplacées par des mains
d’argent et enfin redevenues mains humaines. Ces mains qui
précisément, nous renvoient à
l’action, la créativité, un des aspects
de l’énergie masculine.
L’accès à l’Animus nous est
conté aussi dans L’alouette qui chante et saute
où ici, une jeune fille va épouser un lion qui
était un roi enchanté qui le jour est
changé en lion et la nuit reprend sa forme humaine. Ce lion
symbolise l’Animus non intégré, dans
son aspect sauvage, représentant des émotions et
des pulsions incontrôlées. Ce thème du
fiancé-animal se retrouve d’ailleurs dans de
nombreux contes comme La Belle et la Bête, sans doute un
thème archétypal des plus anciens que nous
connaissions (L’Ane d’Or
d’Apulée, IIème siècle).
Ainsi le travail thérapeutique avec ces contes a permis aux
participantes d’actualiser en elles cette
potentialité de l’Animus, pour mieux exprimer leur
créativité et développer
l’affirmation de soi.
De même, pour l’homme il est essentiel
d’intégrer sa part de féminin ou Anima.
Certains contes peuvent participer à ce
développement. Cette quête est
évoquée dans Le Fidèle Jean
où le jeune héros va conquérir la
Princesse au Toit d’Or dont le portrait découvert
dans la chambre interdite l’avait fasciné.
L’image de son Anima cachée, donc
envoûtante qu’il devra rencontrer, puis ramener
dans son royaume, c'est-à-dire conscientiser et
intégrer tout au long d’un périlleux
voyage.
Ce conte permet aussi de réaliser l’infinie
richesse de notre inconscient à travers le personnage du
Fidèle Jean qui, malgré les erreurs et
résistances du jeune roi, saura le guider dans son
périple, demeurant un ami fidèle
jusqu’à donner sa propre vie. Ce personnage de
Jean nous ouvre au Soi, centre spirituel et totalité, notre
nature divine et lumineuse que Jung appelle aussi fonction
transcendantale. Nous pouvons découvrir
l’être profond dans le conte à travers
différentes figures de nature numineuse qui
révèlent cette dimension spirituelle.
C’est le renard, animal-guide de l’Oiseau
d’or, la vielle initiatrice Baba Yaga ou encore la boule de
cristal, symbole de totalité et de perfection,
cachée dans l’œuf d’un oiseau
de feu (La boule de cristal, GRIMM).
Les contes, grâce à la tradition orale ont
traversé le temps pour venir jusqu’à
nous et nous accompagner sur le chemin de
l’évolution : s’ils touchent nos
cœurs et nos âmes c’est qu’ils
offrent des passerelles pour accéder à
l’inconscient, c’est comme passer de
l’autre côté du miroir ou plonger dans
le puits… Toutefois il me semble important de
préciser qu’il ne suffit pas de décoder
les messages du conte de manière intellectuelle car cette
approche est réductrice. Au-delà de
l’analyse, le conte est un véhicule vers les
profondeurs de notre être et il s’agit bien de
vivre le conte, l’entendre, l’imaginer, le
ressentir, le goûter même ! Pour actualiser nos
potentialités et transformer en profondeur notre relation au
monde et à nous-mêmes, pour trouver le plein
épanouissement et le sens de notre vie.